Richard Powers, écrivain américain de renom, nous a déjà comblés avec des romans magistralement écrits. Il est un virtuose de la narration, capable de transformer des sujets complexes en récits fluides et captivants, tout en mêlant émotion, érudition et une profonde connaissance de la nature. Dans ses œuvres, la science devient poésie, et la nature, un personnage à part entière. Powers est un ardent défenseur de l’environnement, utilisant sa plume pour éveiller les consciences sur les enjeux écologiques. Son dernier roman, * »Le Jeu sans Fin »* (traduction française de * »Playground »*), nous transporte sur l’île de Makatea en Polynésie française, un lieu qui devient le théâtre de destins croisés, où l’océan joue un rôle central.
Dans ce roman, Powers nous invite à explorer un « terrain de jeu » métaphorique, où les vies d’un génie informatique, d’un océanographe et d’un plongeur passionné se mêlent à celle de l’océan lui-même. Ce dernier, avec ses abysses mystérieux, ses montagnes sous-marines et ses écosystèmes complexes, est bien plus qu’un simple décor : c’est le cœur battant de notre planète. Powers rappelle avec force que notre monde devrait s’appeler « océan » plutôt que « terre », car toute vie dépend de cette étendue bleue et de son équilibre fragile. À travers une prose cinématographique et des cliffhangers haletants, il dépeint la beauté et la vulnérabilité de cet écosystème, tout en dénonçant les violences infligées à la vie aquatique.
Le « jeu » évoqué dans le titre est à la fois une métaphore de la vie et une critique de notre attitude irresponsable envers la planète. Nous voyons le monde comme un terrain de jeu, un espace créé pour notre divertissement, mais nous oublions trop souvent de le préserver pour les générations futures. Powers nous met en garde : l’océan, une fois libéré de notre présence, se régénérera en un clin d’œil. Mais serons-nous encore là pour en témoigner ? Ce roman est une ode à l’eau, à la vie et à la créativité infinie de l’océan, une force qui dépasse nos jeux éphémères et nos jouets technologiques. Une lecture essentielle pour les amoureux de la nature, de l’océan et des questions environnementales.
Vous pouvez trouver ce livre à la librairie « Chien Sur La Lune ».
En cette année 2025, nous commémorons le 50e anniversaire de la mort de Pier Paolo Pasolini, une figure majeure du XXe siècle, dont l’œuvre et la vie continuent de fasciner et de provoquer. À cette occasion, Arnaud Delalande, Denis Gombert et Éric Liberge nous offrent « L’Ange Pasolini », une bande dessinée magistrale qui explore la vie et l’héritage de cet artiste hors du commun. Ce roman graphique, à la fois sombre et lumineux, est une véritable immersion dans l’univers complexe et contradictoire de Pasolini.
Le récit commence là où tout s’achève : sur une plage d’Ostie, en novembre 1975, où Pasolini est brutalement assassiné. Cette mort violente, presque symbolique, sert de point de départ à une rétrospective de sa vie. L’ange qui apparaît alors devient le guide de cette introspection, interrogeant Pasolini sur les moments clés de son existence. Ce dialogue entre l’homme et l’ange donne une dimension presque mystique à l’œuvre, tout en restant ancré dans la réalité crue de la vie de l’artiste.
Pasolini était un homme de paradoxes : marxiste et homosexuel dans une Italie conservatrice, poète et cinéaste, aimé et haï à la fois. La bande dessinée explore ces contradictions avec une finesse remarquable. On y découvre un homme tiraillé entre son engagement politique, sa sexualité, son amour pour la culture populaire et son rejet des conventions sociales. Les auteurs réussissent à capturer l’essence de Pasolini, sans jamais tomber dans le piège de la simplification.
Le travail graphique d’Éric Liberge est tout simplement époustouflant. Son style, à la fois précis et expressif, donne vie aux émotions les plus intimes de Pasolini. Les pleines pages, souvent muettes, sont de véritables tableaux qui invitent à la contemplation. Les choix chromatiques, oscillant entre le noir et blanc et de rares éclats de couleur, reflètent parfaitement les contrastes de la vie de l’artiste. Chaque case est une invitation à plonger plus profondément dans l’âme tourmentée de Pasolini.
À travers cette bande dessinée, les auteurs ne se contentent pas de raconter la vie de Pasolini ; ils nous invitent à réfléchir à son héritage. Qu’est-ce que signifie être un artiste engagé aujourd’hui ? Comment concilier art et politique, liberté et contraintes sociales ? Ces questions, posées par Pasolini de son vivant, résonnent encore aujourd’hui avec une force intacte.
« L’Ange Pasolini » transcende la simple biographie en images. C’est une œuvre profonde, grave, qui interroge autant qu’elle émeut. À travers le prisme de la vie et de la mort de Pasolini, les auteurs nous confrontent à des questions essentielles : la place de l’artiste dans une société hostile, le poids des contradictions intimes, et le prix de la liberté créatrice.
BD disponible à la librairie Chien Sur La Lune
L’évangile selon Saint Matthieu disponible à la librairie en Bleu Ray
Né le 5 mars 1922 à Bologne, Pier Paolo Pasolini est l’une des figures les plus marquantes de la culture italienne du XXe siècle. Poète, écrivain, cinéaste et intellectuel engagé, il a marqué son époque par son œuvre protéiforme et ses prises de position souvent controversées.
Après une jeunesse marquée par la Seconde Guerre mondiale et la mort de son frère Guido dans la résistance, Pasolini s’installe à Rome dans les années 1950. Il y découvre les quartiers populaires, qui deviendront une source d’inspiration majeure pour ses romans, comme « Ragazzi di vita » (1955).
Dans les années 1960, il se tourne vers le cinéma, réalisant des films qui mêlent réalisme et poésie, comme « Accattone » (1961) et « L’Évangile selon saint Matthieu » (1964). Ses œuvres, souvent critiques envers la bourgeoisie et la société de consommation, lui valent à la fois l’admiration et la réprobation.
Homosexuel assumé et marxiste convaincu, Pasolini a toujours été une figure marginale, en décalage avec les normes de son époque. Son dernier film, « Salò ou les 120 Journées de Sodome » (1975), reste l’une de ses œuvres les plus choquantes et les plus discutées.
Le 2 novembre 1975, Pasolini est assassiné sur une plage d’Ostie, dans des circonstances jamais totalement élucidées. Sa mort violente a contribué à en faire une icône, dont l’œuvre continue d’influencer et de provoquer des débats passionnés.
Hélas, je n’ai plus aucun grand-père en vie, mes parents ne sont plus de ce monde non plus. Personne dans ma famille n’a collaboré avec l’occupant, ni avec les collaborateurs locaux. Bien sûr, en tant que peuple slave, nous étions sur une liste courte pour l’esclavage ou l’extermination physique, ce qui rendait impossible toute sympathie envers le Troisième Reich. Mon grand-père a participé aux grandes manifestations à Belgrade contre le gouvernement qui avait signé un pacte avec Hitler. Quelques jours plus tard, ce gouvernement fut renversé par un coup d’État, et le peuple serbe scanda à travers toute la Serbie : « Plutôt la tombe que l’esclavage ! » Le 7 avril, les avions de la Luftwaffe rasent Belgrade. Pour la deuxième fois en moins de cinquante ans, le peuple serbe est attaqué par la puissante Wehrmacht, et l’armée royale est vaincue en une dizaine de jours. À Belgrade, les premiers camions à chambres à gaz sont testés sur les Juifs locaux, les communistes serbes et les malheureux Roms. En moins de quelques mois, les communistes et les patriotes serbes déclenchent un soulèvement contre l’occupation allemande et mènent une guerre de partisans courageuse contre les Allemands et les collaborateurs. Plusieurs membres de ma famille prirent part dans le soulèvement et ont combattu dans les rangs des partisans. Pour la deuxième fois en moins de cinquante ans, le pays est libéré par le combat héroïque du peuple serbe et des autres peuples yougoslaves. Les Allemands et les traîtres sont chassés du pays. C’est pourquoi je suis toujours glace par le dégrée de collaboration et fanatisme de fascistes vichistes de France .
Le livre dont je vais vous parler traite des Français qui ont combattu sous l’uniforme SS en Biélorussie, et qui ont commis des atrocités inhumaines contre les Russes, les Biélorusses, les Ukrainiens et les Juifs. Ces hommes étaient les derniers fanatiques à défendre Hitler à Berlin, jusqu’au dernier moment. Pour moi, cette haine profonde, ce racisme et cette volonté de domination des fascistes français restent incompréhensibles, même aujourd’hui.
Ce livre est un voyage intime dans le passé de Philippe Douroux, qui a toujours su que son père était un fasciste, nazi ayant combattu pour les « valeurs européennes », contre les « barbares de l’Est » et les « judéo-bolcheviks » qui détruisaient le tissu social et notre « glorieuse civilisation blanche » . Dans cet ouvrage, Philippe D. révèle les horreurs de la guerre à l’Est, en Biélorussie, où des paysans et des Juifs innocents tombent sous la botte de l’unité SS Charlemagne. Et pas seulement sous la botte, mais aussi sous le couteau, la balle et la brutalité. Car, malheureusement, ces « combattants pour l’Europe et la fraternité franco-allemande » n’étaient pas seulement des anticommunistes, mais aussi des meurtriers sanguinaires, des sadiques, des vampires assoiffés du sang des Biélorusses et du peuple soviétique (principalement des Russes, des Biélorusses et des Juifs soviétiques). Beaucoup d’entre eux ne se contentaient pas de tuer les « Untermenschen » slaves et les « judéo-bolcheviks », mais ont ensuite participé à des expéditions punitives contre la Résistance en France. Après la guerre, ils se sont révélés utiles en Algérie et au Vietnam. En Biélorussie, ils ont appris de leurs frères SS la technique de la guerre totale contre les plus faibles : femmes, enfants, bébés. Ils ont appris à violer, égorger et abattre de manière efficace, car leur courage était bien sûr à son apogée face aux vieillards, aux enfants et aux femmes. Face à l’Armée rouge, leur puissance était bien moins visible. À tel point que les Allemands les ont relégués à l’arrière, où ces « patriotes » se sont révélés être d’excellents tueurs d’enfants et de grands-mères…
Ce livre est une collection de témoignages et de documents historiques qui empêchent l’oubli des crimes de ces bêtes. Après la guerre, la plupart de ces « héros » sont restés impunis. Quelques-uns ont passé quelques mois en prison, deux ou trois ont été fusillés. Tous les autres ont trouvé une vie paisible après la guerre, continuant à glorifier « leur combat contre le bolchevisme » et à expliquer comment le complot communiste mondial avait inventé les 26 millions de morts en Union soviétique et les camps de concentration. Sobibor, Treblinka, Belzec, Auschwitz ne sont, selon leurs témoignages, que des « détails de l’histoire ». La négation a atteint un tel point aujourd’hui, grâce à Giscard et aux nouveaux « philosophes » des années 80, que le martyre de l’URSS est désormais mis sur le même plan que la souffrance des Allemands pendant la guerre. Que les criminels et les monstres sont présentés comme des « combattants » contre le communisme. Ce livre explique à plusieurs reprises comment cela a pu arriver. Il mérite une lecture sérieuse et des recherches supplémentaires sur les crimes des SS « français ». Philippe D. n’a fait qu’effleurer la surface de l’horreur commise au nom de la « Grande Nouvelle Europe » par les Français, les Italiens, les Belges, les Néerlandais, les Finlandais, les Norvégiens, les Roumains, les Hongrois et les Ukrainiens, en alliance avec le « fraternel » Reich millénaire. Ces « patriotes » français, formés dans l’idéologie nazie et ayant appris les techniques de répression brutale en Biélorussie, ont ensuite réutilisé ces méthodes lors des guerres coloniales, notamment en Indochine et en Algérie. Leur expérience dans la guerre totale contre les civils, acquise sous l’uniforme SS, a été mise à profit pour écraser les mouvements indépendantistes.
En Indochine, lors de la guerre contre le Việt Minh (1946-1954), les forces françaises ont employé des tactiques de terreur inspirées de celles utilisées en Europe de l’Est. Des villages entiers étaient rasés, des civils torturés ou exécutés sommairement, et des techniques de contre-insurrection brutales étaient appliquées pour tenter de briser la résistance vietnamienne. Les exactions commises, comme les massacres de civils, rappellent tristement les crimes perpétrés en Biélorussie.
En Algérie, pendant la guerre d’indépendance (1954-1962), ces méthodes ont été poussées à leur paroxysme. Les militaires français, dont certains avaient servi sous Vichy ou dans les rangs de la collaboration, ont systématiquement recouru à la torture, aux exécutions extrajudiciaires et aux déplacements forcés de populations. Des villages étaient bombardés, des suspects torturés pour obtenir des informations, et des civils massacrés dans des opérations de « pacification ». Le massacre de Melouza en 1957, où des centaines de civils algériens ont été tués, ou encore la bataille d’Alger, marquée par une répression impitoyable, témoignent de cette continuité dans les pratiques de violence extrême.
Ces guerres coloniales ont ainsi servi de terrain d’application pour des techniques de répression héritées de la Seconde Guerre mondiale, montrant comment les crimes commis au nom de l’idéologie nazie ont laissé une empreinte durable dans les pratiques militaires et policières françaises. Cette sombre continuité historique souligne l’importance de ne pas oublier les origines de ces méthodes et leurs conséquences dévastatrices.
L’un de ces « patriotes » forçait les villageois à creuser des fosses où ils étaient entassés comme des sardines et abattus d’une balle dans la nuque. Lorsque cette bête trouvait un bébé à moitié vivant, il l’abattait d’une balle dans la tête, éliminant ainsi un « judéo-bolchevik » potentiel. Le livre est rempli de ces témoignages effroyables. Des dizaines de milliers de villages en Biélorussie, en Ukraine et en Russie ont été rayés de la carte, leurs habitants brûlés vifs dans les églises ou abattus… Plus d’une fois, j’ai dû poser le livre pour reprendre mon souffle. Cet ouvrage reste un avertissement, un rappel de ce que signifient le fanatisme et la croyance aveugle en la justesse d’une « cause ». Mais il montre aussi à quel point le monde occidental a la mémoire courte, ayant très vite oublié la tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Pire encore, il a transformé les victimes en coupables et les coupables en victimes. Ce livre est une pilule contre l’oubli, amère mais nécessaire.