Mois : août 2025

  • Un album où l’amitié devient géante

    Amateurs de rêves, avez-vous jamais souhaité partager ces songes avec votre enfant ?

    Quand les amis sont vrais, ils deviennent géants. Non seulement par leur taille, mais surtout par leur âme. Une merveilleuse histoire, tendre et sérieuse à la fois, pour les petits comme pour les grands.

    Hyewon Kyung, avec son album jeunesse Mon Gigantesque Ami, invite les enfants à laisser vagabonder leur imagination à travers des illustrations oniriques et une esthétique tout droit sortie des plus beaux songes. Mais cet ouvrage aborde aussi avec délicatesse des thèmes profonds tels que l’amitié, la famille, la perte et la solitude.

    Dépêchez-vous de découvrir cet album sur nos étagères, à la librairie Chien Sur La Lune. Là où les plus beaux rêves sont bercés par la lueur lunaire.

    Casterman , 16euros95

    « Mon gigantesque ami secret »Hyewon Kyung

  • La Tentation Artificielle : Un Vertige Numérique aux Confins de l’Âme 

    Par une nuit d’été dans le nord du Portugal, alors que les brumes montagneuses s’accrochaient aux versants comme des spectres, j’ai plongé dans les abysses de Clément Camar-Mercier. Son roman, « La Tentation Artificielle », est une lame glacée qui transperce l’époque avec la précision d’un scalpel. Ce n’est pas un livre, c’est un miroir brisé où se reflète notre propre naufrage.

    Imaginez un monde où la lumière ne vient plus du soleil, mais des écrans. Où l’organique se dissout dans le silicium, où l’âme n’est plus qu’une suite de 0 et de 1. Camar-Mercier ne nous offre pas un simple récit d’anticipation, mais une « autopsie du présent ». Son héros, Jérémie, génie du code et architecte (in )volontaire d’un nouveau Léviathan numérique, incarne cette schizophrénie moderne : il est à la fois le prêtre et la victime d’un culte où la technologie a remplacé le sacré.  

    L’auteur nous entraîne dans une danse macabre entre les murs millénaires de l’abbaye de Solesmes, les couloirs aseptisés du ministère de l’Intérieur et les bureaux clinquants de Xavier Niel, où se joue une partie de l’avenir numérique. Jérémie, rongé par une maladie inconnue, cherche refuge dans le silence des moines. Mais peut-on échapper au bruit du monde quand on a contribué à le créer ? La rencontre entre l’ancien et le moderne n’est pas une rédemption, mais une « collision ». 

    Avec une ironie noire digne de Jaroslav Melnik ou d’Evanson, Camar-Mercier dissèque notre addiction aux univers numériques. Son écriture, fluide et tranchante, file comme un torrent de montagne dans les veines du lecteur. Il ne nous avertit pas d’un futur lointain, mais d’un « présent »déjà corrompu. Les algorithmes ne se contentent plus de gérer nos vies ; ils les définissent, digèrent nos désirs, formattent nos rêves. Nous ne sommes plus des êtres, mais des « données »  nourrissant une intelligence artificielle insatiable.

    Pourtant, malgré l’horreur, il y a du rire dans ce roman. Un rire grinçant, qui démasque l’absurdité des « créateurs d’alternatives réalités », ces nouveaux démiurges qui se prennent pour des dieux. Camar-Mercier manie la satire avec une élégance cruelle, rappelant que le véritable danger n’est pas la machine, mais l’homme qui l’a conçue – et qui s’y soumet avec une ferveur quasi religieuse. 

    Comme l’écrit l’auteur lui-même : « Dans un livre, tout doit être faux et vrai, sinon ce n’est pas juste. « La Tentation Artificielle » ne propose pas d’échappatoire. Seule une faille, un « glitch », une imperfection dans le système, pourrait nous sauver. Mais encore faudrait-il la voir avant qu’il ne soit trop tard. 

    Ce livre est un chant funèbre pour une humanité en voie de disparition, un requiem pour l’organique , spirituelle . Il nous force à regarder en face ce que nous sommes en train de devenir : des fantômes numériques, hantant un monde que nous avons nous-mêmes déserté. 

    Clément Camar-Mercier, romancier et dramaturge, signe ici un deuxième roman aussi haletant que documenté, prolongeant sa réflexion sur les addictions modernes entamée dans « Le Roman de Jeanne et Nathan ».

    Sortie le 20 août 2025 

    Vous pourrez vous procurer « La Tentation Artificielle »  à la librairie Chien Sur La Lune, lieu incontournable des amateurs de littérature audacieuse. 

    Lisez-le. Avant qu’il ne soit trop tard.

  • Victor Jestin : »La Jussance de l’Abîme »

    Victor Jestin, né à Nantes en 1994, est un écrivain français dont l’œuvre s’impose par sa densité et son regard sans concession sur les failles humaines. Après des études de scénariste au Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, il publie son premier roman, La Chaleur (Flammarion, 2019), rapidement remarqué par les jurys du Renaudot, du Médicis et du Femina, et couronné par le prix Femina des lycéens.

    La Chaleur raconte l’histoire de Léonard, adolescent en vacances dans un camping, qui assiste sans intervenir à la mort d’Oscar, ivre, étranglé par les cordes d’une balançoire. Rongé par une culpabilité froide, il enterre le corps dans le sable et hésite, jour après jour, entre l’aveu et le silence.

    Son deuxième roman, L’Homme qui danse (Flammarion, 2022), lauréat du prix Maison Rouge, du prix Blù-Jean-Marc Roberts et du prix Bretagne, suit Arthur, qui cherche dans l’obscurité d’une boîte de nuit en bord de Loire un semblant de présence au monde. Loin des attentes sociales, il grandit, danse, s’égare. La nuit devient le seul espace où exister – jusqu’à ce qu’elle aussi se dérobe.

    Son dernier roman, La Mauvaise Joueuse (2025), explore l’obsession maladive de Maud, femme ordinaire rattrapée par le vertige du jeu. Échecs, football, monopoly, bowling : peu importe l’enjeu, pourvu que la frénésie l’emporte sur le vide. Jestin excelle à décrire ces existences prises dans l’étau du quotidien, où la seule échappatoire ressemble à une chute.

    Avec une prose sèche, nerveuse, impitoyable, Victor Jestin construit une trilogie romanesque marquée par l’angoisse, la solitude et le poids des non-dits. Son univers est celui des zones périphériques, des parkings déserts, des discothèques vides – des décors qui font écho à l’intériorité tourmentée de ses personnages et nos vies actuelles .

    Ses livres sont disponibles à la librairie Chien Sur La Lune.

  • SOIRÉE EXCEPTIONNELLE AVEC LUC MARISSAL 06.09.2025

    Pour la première fois à la librairie Chien Sur La Lune, nous avons l’immense honneur d’accueillir Luc Marissal pour une soirée hors du temps.

    Embarquez pour un voyage littéraire à travers les passés, lointains et proches. L’auteur vous fera revivre les lieux, les hameaux et les visages qui ont façonné ses récits, avec leurs éclats, leurs failles, leurs rires et leurs ombres.

    Venez partager un moment unique de récits, d’émotions et de complicité !

    INFOS PRATIQUES :
    📅 Quand ? Samedi 6 septembre 2025 à 19h
    📍 Où ? À la librairie Chien Sur La Lune
    ✉️ Réservation (gratuite et obligatoire) par téléphone au 09 55 21 38 37 ou par mail : chiensurlalune@free.fr

  • De fourmi sur l’autoroute à libraire à Villers : Ma métamorphose Nothombesque

    Je me souviens de mes premiers jours en France. Comme la plupart des immigrés, je suis arrivé à Paris au début du XXIᵉ siècle. Pour ceux qui ne l’ont pas vécu, Paris a deux visages. Le premier est celui d’une mégalopole puissante, déshumanisée, où le flux des gens, des véhicules, des marchandises s’apparente au mécanisme d’une machine implacable. À côté d’elle, on se sent comme une fourmi sur une autoroute. Le second visage est plus secret. Ruelles, passages, avenues majestueuses, parcs magnifiques, places animées, façades d’une beauté ineffable, visages joyeux de jeunes gens souvent beaux, attablés en terrasse avec un verre de vin, feuilletant la presse, des livres, conversant. De splendides librairies, riches, originales, dont la ville regorge. Je découvre à quel point la France est une terre de livres et d’édition. Il est impossible de ne pas y trouver l’ouvrage que l’on cherche. De la littérature d’Amérique centrale aux auteurs du sud de la Macédoine, des poètes persans aux conteurs africains, tout s’y trouve, absolument tout ! Et votre libraire, à ce moment-là, est jeune, curieux, avide de nouveaux livres, de nouveaux horizons… Un seul problème le tourmente alors : il ne connaît pas un mot de la langue de Molière.

    C’est à peu près à cette époque, quelques mois après mon arrivée, que je rencontre le livre d’Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements. Mon beau-père me l’offre, persuadé que je suis déjà capable de le lire — car, sans trop me vanter, j’ai (à ce moment-là) un certain don pour les langues, une excellente mémoire visuelle et auditive ; j’apprends le français à l’oreille, à une vitesse prodigieuse. Je l’ai lu rapidement et avec un grand plaisir. Avec mes modestes connaissances en français, le style simple, minimaliste de Madame Nothomb se révélait idéal pour un débutant. Tout comme l’étrange récit sur le Japon et cette jeune Belge qui doit s’adapter à la vie d’un pays si lointain et si singulier. J’en suis encore reconnaissant aujourd’hui à cette autrice de m’avoir ouvert les portes de la langue française.

    Amélie et votre humble scribe se sont retrouvés l’hiver dernier. Je l’avais complètement perdue de vue ces vingt-quatre dernières années. Cette fois, nous nous sommes croisés elle en tant que voyageuse, auteure d’un sympathique récit court sur le Japon — ou plutôt sur son périple là-bas avec sa meilleure amie. Un livre charmant, joyeux, qui raconte les mésaventures, les anecdotes et les incompréhensions face à cette culture lointaine. Et moi, en jeune (hahaha) libraire. J’ai lu son livre cette fois en professionnel, mais avec délectation et une pointe de nostalgie pour ces temps anciens où j’apprenais le français et tentais de comprendre ce pays complexe et merveilleux qui est désormais le mien.

    Son dernier roman, Tant mieux, est une sorte de biographie de la mère d’Amélie, et surtout de son enfance singulière et relativement difficile. Ce magnifique court roman raconte avant tout l’enfance de sa mère et les moments épineux que cette petite fille a dû surmonter comme elle le pouvait. L’ingéniosité enfantine, l’originalité d’esprit ont aidé sa maman à devenir une belle jeune femme, bonne, épouse dévouée et mère admirable. D’une manière simple et claire, Amélie Nothomb lui rend un hommage exceptionnel — à l’enfance, à la mère, à la famille. Écrit dans un style épuré, fluide, d’un dynamisme remarquable et d’une drôlerie piquante. Une autre chose que j’aime chez les Belges — leur sens de l’humour décalé — est bien présent chez Amélie Nothomb, et tout particulièrement dans ce livre.

    Qui sait pour quelles raisons, et quand, Amélie et moi nous retrouverons ? Je sais seulement que ses romans valent la peine d’être lus, tant ils débordent d’une énergie singulière. Légers à lire, et pourtant pleins de questions profondes, de réflexions et d’une authenticité espiègle. Alors n’hésitez pas : plongez dans la lecture de cette brillante autrice. Et vous savez où trouver son dernier roman — et même les anciens, par la même occasion. Et tant mieux !

    Amélie Nothomb « Tant Mieux »

    Alban Michel — 22 €

  • L’Envolée » de Michèle Nevert ,Un chant d’oiseau dans le silence du deuil

    Je l’ai rencontrée, cette écrivaine, à Paris, lors de la présentation de la « rentrée littéraire » aux éditions Rouergue-Actes Sud . Sa personnalité discrète, presque timide, et les extraits de son roman lus par des comédiens ont éveillé ma curiosité. Le thème, pourtant, ne m’attirait guère – on fuit habituellement ce sujet comme « le diable fuit l’eau bénite », surtout lorsqu’on est parent. Et je le suis, père de deux merveilleux garçons. Pourtant, l’authenticité touchante du texte, la présentation sensible de l’autrice et de l’éditeur m’ont donné envie de le lire. Malgré la gravité du sujet, je ne le regrette pas – et je vous dirai pourquoi.

    « L’Envolée » est un texte profond, sincère, poétique et profondément humain. Un témoignage, un voyage dans les souvenirs interdits, ceux qui n’ont pas droit d’exister… Comment survivre ? Est-ce seulement possible ? La mort d’un enfant, un accident simple, banal, qui emporte ici un garçon de neuf ans. Sans faux pathos, sans vulgarité, sans lamentations excessives ni hyperboles de la douleur, le roman nous guide au cœur de la souffrance, du deuil, et de la vie qui continue malgré le vide infini, le non-sens laissé par l’absence.

    L’autrice, sœur cadette de l’enfant disparu, vit dans l’ombre immense de cette mort. Oubliée, actrice secondaire en quête de reconnaissance et de deuil – car le deuil est nécessaire, et pourtant, on le lui a refusé. Si vous vous plongez dans cette lecture, vous serez en compagnie de parents en deuil, de grands-parents meurtris, d’une sœur qui, sa vie durant, cherche des réponses et des souvenirs tragiquement effacés par les secrets familiaux et les non-dits.

    N’oublions pas les oiseaux, omniprésents dans ce livre – ces récits enchanteurs, ces mystères, et leur symbolique poétique qui hante nos vies.

    Que dire de plus, sinon que c’est cela, la littérature. Oh, comme il est difficile et beau de lire ce roman.

    ACTES SUD / La Rouerge
    21,50 €

  • « À Bicyclette ! » – Éloge du désuet et du voyage intérieur 

    Je sais, je sais. Les lecteurs DVD ? Relégués au rang de curiosités archéologiques, comme ces boîtes à musique dont plus personne ne tourne la manivelle. On me rétorquera, avec ce sourire indulgent des modernes : « À quoi bon ces artefacts poussiéreux, ces disques argentés qui pâlissent dans l’ombre des étagères ? » Et l’on aura raison, bien sûr. Le progrès est un torrent qui emporte tout, et nos petites madeleines technologiques ne pèsent rien contre le flot des plateformes, des algorithmes voraces, des catalogues infinis où les œuvres naissent et meurent en un clignement d’œil. 

    Pourtant. 

    Ce « pourtant » est un refuge. Car ce DVD, justement, il vous attend. Lorsque les écrans s’éteignent par caprice des réseaux, lorsque les hackers ou les erreurs bureaucratiques vous privent de votre dose numérique, il est là, patient, fidèle. Pas besoin de naviguer dans un océan de contenus éphémères, de subir l’angoisse du choix devant dix millions de titres dont la moitié s’évapore avant même d’avoir été vus. Non. Ce disque-là, c’est votre livre préféré en version lumineuse, celui que l’on offre, que l’on impose avec une tendance obsessionnelle à ses proches, aux inconnus croisés dans la rue, à l’internet entier s’il le faut (un certain libraire de Villers-Bretonneux en sait quelque chose, n’est-ce pas ?). 

    Et puis, il y a ces moments où l’on a besoin de certitudes. Où l’on veut, non pas consommer, mais « habiter » une œuvre. C’est pour cela que votre librairie chérie – la nôtre – aligne quelques films soigneusement élus. Pas des produits. Des « objets d’art », des fragments d’humanité qui méritent leur pesant d’euros pour le droit de les retrouver, toujours, comme on revient à un vieil ami. 

    Aujourd’hui, parlons d’« À Bicyclette ! ». Je l’ai découvert au cinéma, traînant des pieds, m’attendant à une comédie gentiment oubliable, du rire en conserve, de l’émotion prédigérée. Quelle erreur. Ma femme, comme souvent (toujours ?), avait vu juste : ce film-là reste. Il s’accroche à la mémoire comme une mélodie têtue. 

    L’histoire ? Un « road movie », un « buddy movie », certes. Mais traversé par une faille : le deuil. Deux hommes, ni vieux ni jeunes – cinquante, soixante ans, l’âge où l’on commence à compter les absents – enfourchent leurs vélos. De Bretagne à Istanbul, ils refont le voyage qu’avait accompli le fils de l’un d’eux, avant de disparaître trop tôt. Leur but ? Honorer sa mémoire, peut-être. Comprendre son élan, sûrement. Retrouver, dans l’effort des côtes et le vertige des descentes, un peu de cette lumière qu’il portait, lui, le clown itinérant qui semait des rires dans les écoles sur son passage. 

    Alors oui, ils sont drôles, ces deux-là. D’une drôlerie tendre, maladroite, celle des âmes qui savent que le rire est une armure contre la nuit. Mais sous les pitreries, il y a la douleur sourde de celui qui a perdu un enfant, et l’amitié fragile qui tente de colmater l’incolmatable. Le film danse entre éclats de joie et silences lourds, sans jamais tomber dans le pathos. C’est une comédie, dit-on. En vérité, c’est une élégie. 

    Et puis, j’ai appris que le réalisateur, aussi acteur principal, avait vécu cette histoire. Qu’il la vivait encore. Cela donne au récit une gravité supplémentaire, comme un sanglot retenu derrière chaque sourire. 

    Alors, que vous dire, sinon que ce DVD – oui, ce petit cercle de plastique et d’argent – vous attend chez nous, à la librairie  Chien Sur La Lune ? Vingt euros pour une traversée. Vingt euros pour pédaler, rire et pleurer avec ces deux fous sublimes. Parce que Nantes-Istanbul, avouons-le, vous ne le ferez jamais. Eux, si. 

    « À Bicyclette ! » – Un film de Mathias Mlekuz.   20€

    Disponible parmi nos rayons, entre deux livres et un peu de poussière mélancolique.

  • Lettres vagabondes : Fado pour un monde oublié

    Chers amis de la librairie Chien Sur La Lune, 

    Me revoici, vous écrivant une fois encore depuis le nord du Portugal. Les jours sont courts quand on est en vacances, mais,pour vous, je trouve toujours le temps d’écrire, au milieu de ces journées qui filent, hélas trop vite dans ce pays si merveilleux. 

    Notre rencontre approche. Votre librairie bien-aimée ouvrira bientôt ses portes, et en attendant, votre libraire prépare son retour – dévorant des kilomètres de texte tout en parcourant les routes portugaises, s’imprégnant autant qu’il le peut de cette terre culturellement si riche. 

    Je me suis noyé dans la musique, dans l’histoire, mais également dans le quotidien : les marchés, les poissonneries, les boulangeries, les échoppes d’artisans, les bistrots et les tavernes, les restaurants. Je fuis ces « Disneyland » touristiques qui, ici, sont presque inexistants. Les grandes villes, comme partout dans le monde, sont envahies par le tourisme de masse – ces forfaits tout compris et ces « hordes de touristes » qui, tels des soldats disciplinés, suivent un guide brandissant un drapeau, répétant mécaniquement des bribes d’histoire et de géographie sans âme. Les téléphones portables remplacent les yeux (ou du moins un bon vieil appareil photo) et capturent tout – des bouteilles en plastique aux joyaux de l’architecture baroque. Je vous le garantis : 99 % de ces clichés ne quitteront jamais l’écran de leur portable. Beaucoup ne prennent même pas la peine de goûter aux petits restaurants portugais, pourtant si simples, savoureux et abordables, préférant se contenter de pizzas ou de McDonald’s. 

    Votre correspondant, hélas (malgré lui), fait partie de ce monde, mais il tente au moins d’explorer l’autre visage du Portugal – celui, réel, où les gens vivent au jour le jour, loin des décors clinquants réservés aux touristes. Ces vieilles rues, à deux pas des centres-villes, où le linge sèche parfumé au soleil, tendu sur des cordes entre les immeubles. Les façades décrépies, les entrées d’immeubles, les quincailleries d’antan, les ateliers d’artisans où des maîtres aux cheveux gris bavardent avec leurs clients. Chacune de ces portes, fenêtres ou balcons a bien plus à raconter que toutes ces boutiques de pacotille ou ces produits globalisés, identiques à ceux de Copenhague, Paris ou Budapest. J’observe des gens qui discutent entre eux dans la rue, qui ne fixent pas des écrans ni n’arborent des écouteurs tout en parlant à leur voisin. 

    Je traverse des parcs où l’on joue aux échecs, aux dominos ou à la pétanque, en sirotant une « Super Bock ». Je croise des vieilles dames, des bourgeoises élégamment vêtues, conversant à voix basse sous les platanes et les chênes centenaires. Le Portugal n’a pas encore adopté ces « merveilleuses » solutions urbaines où il faut abattre tous les arbres sur des places publiques – alors les gens s’assoient toujours à l’ombre des vieux troncs, perpétuant cette douce habitude de se retrouver. 

    Je passe par des villages qui entretiennent leurs petites chapelles, leurs places fleuries et verdoyantes, où règne le même esprit : des gens assis qui bavardent, des enfants qui font du vélo, qui jouent. Les cris joyeux des petits sont ce qui rapproche le Portugal de la Grèce – ici, les enfants ont encore le droit de jouer dehors jusqu’à tard le soir, quand la chaleur s’estompe et que le parfum de l’eucalyptus (omniprésent dans le nord) enveloppe la fraîcheur du crépuscule. Les rires d’enfants… quelque chose qu’on n’entend plus, dans les pays occidentaux « développés », que dans les cours d’école… 

    Dans ce pays, la nourriture a encore du goût : des légumes frais et abordables, du excellent poisson. Du poulet au « piri-piri » brûlant, des salades fraîches, des tomates, des oignons, des concombres, de la morue, des calamars, des « pasteis de nata », des gâteaux à la crème… Et bien sûr, le « fado » – cette musique divine, mélancolique à en mourir, dont je m’enivre depuis mon arrivée. 

    Et de la littérature, nous en parlerons à la librairie : Pessoa, Saramago, Tavares… Il y a tant à lire, à découvrir. 

    Tout cela fait de ce petit pays périphérique une oasis paradisiaque – un lieu qui, d’une certaine manière, appartient encore en partie à une autre époque. La différence entre la France et le Portugal n’est que d’une heure (le Portugal a du retard), mais en réalité, le Portugal est, par quelque miracle, resté dans le siècle dernier – pas dans le mauvais sens, mais dans le meilleur esprit possible. 

    Est-ce une illusion ? Peut-être votre vieux scribe a-t-il tout imaginé ? Mais même si c’est le cas, quelle belle illusion… et si tangible. 

    Assez pour aujourd’hui. Gardons quelque chose pour les longs jours de pluie et de froid qui nous attendent dans notre chère Picardie. 

    Muitas saudações calorosas de Portugal !