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  • L’Appel des Trottoirs : L’Odyssée Brisée de Sorj Chalandon

    Cela fait près de douze ou treize ans que j’ai découvert Sorj Chalandon avec Quatrième mur. Depuis, ses romans sont devenus pour moi une sorte de nécessité. Comme une activité agréable et régulière — natation, cours de langue, chorale —, ses livres s’imposent sans être pour autant des chefs-d’œuvre prétentieux ou de lourds traités intellectuels. Les romans de Chalandon sont dynamiques, rapides, nerveux (dans le bon sens du terme), et résolument radicaux. Ils ont toujours quelque chose de cinématographique, avec des retournements inattendus, tout en restant accessibles, bien construits et faciles à lire.

    Son nouveau roman, Livre de Kells, est une œuvre autobiographique — la troisième, si je ne m’abuse. L’auteur y poursuit le récit de sa vie. Nous suivons Chalandon encore mineur, sur la route de Paris — une simple étape avant Katmandou, ni plus ni moins ! Après avoir rompu avec le foyer parental — et notamment avec « l’autre », son père, et sa mère (je vous invite à lire ses deux précédents romans autobiographiques, « Profession du père » et « L’enfant de salaud« , disponibles dans notre librairie) —, le jeune Sorj se retrouve à Paris. Mais cette ville, qu’il ne devait que traverser, se transforme en un labyrinthe sans issue : pauvreté, errance, quête désespérée de chaleur, de nourriture, bref, d’un toit.

    Une rencontre fortuite va pourtant l’arracher à la rue, à l’aiguille, à la bouteille, et à une fin tragique dans l’un des sombres passages de la « ville lumière ». Qui sont ces personnes, ce groupe qui lui tend la main ? Comment ce jeune homme a-t-il trouvé sa voie et réchappé de l’extrême précarité ? Vous le découvrirez dans Livre de Kells.

    Ce livre se dévore, s’absorbe plus qu’il ne se lit. Chalandon a ce talent rare de captiver son lecteur sans jamais l’ennuyer. Les pages s’enchaînent comme les trottoirs de Paris, comme ce mouvement vital qui permet d’oublier le froid, la faim, la tristesse et la solitude. Quiconque a connu, ne serait-ce qu’une fois, la précarité, l’impasse, la honte de la misère, se reconnaîtra dans ces pages. Un autre grand « millésime » de Chalandon : 1970, une année de mauvais vin, de galère, mais également le moment décisif d’un choix, d’une volonté de vivre et se battre , et d’un salut possible.

    À lire absolument.

    Retrouvez Livre de Kels et les autres œuvres de Sorj Chalandon dans votre librairie préférée : Chien Sur La Lune.

    EDITIONS Grasset 23€

  • La souffrance palpable

    Le roman brut de Sapin-Defour

    Cédric Sapin-Defour naît en 1975 à Saint-André-des-Vergers et grandit au gré des mutations de ses parents, enseignants d’EPS, ce qui l’immerge très tôt dans les activités de pleine nature. Sa passion pour la montagne éclôt à huit ans, lors d’une découverte de Chamonix. Après des études de médecine abandonnées en quatrième année, il devient à son tour professeur d’EPS, consacrant son temps libre à l’alpinisme, l’escalade, le ski de randonnée et le parapente. Installé à Arêches dans le Beaufortain depuis 2005 avec son épouse Mathilde, il partage une vie nomade, souvent rythmée par les voyages en van aménagé à travers les montagnes d’Europe. Depuis 2023, il est en disponibilité de l’Éducation nationale pour se consacrer à l’écriture et à l’aventure.

    Auteur prolifique, Sapin-Defour publie d’abord des essais sur l’alpinisme, comme « Le Dico impertinent de la montagne » (2014) ou « Gravir les montagnes est une affaire de style » (2017), explorant les liens entre nature, humanité et quête de sens. Son roman « Son odeur après la pluie » (2023), récit poignant du deuil de son chien Ubac, connaît un succès foudroyant avec plus de 700 000 exemplaires vendus, plusieurs prix littéraires, et des adaptations en bande dessinée, théâtre et cinéma. En 2025, il publie « Où les étoiles tombent », inspiré de l’accident de parapente de sa compagne Mathilde, un témoignage brut sur la fragilité et la reconstruction.

    Après « Son odeur après la pluie », Cédric Sapin-Defour nous revient avec « Où les étoiles tombent », un deuxième roman qui confirme son talent pour saisir les nuances de la condition humaine. Cette fois, le thème central est à nouveau la perte et la tristesse, mais aussi la volonté farouche de vivre et la reconstruction. Le livre est d’une intensité rare, radicalement ardue. La souffrance y est décrite de manière organique, corporelle, presque chimique ; elle n’est pas seulement étouffante pour l’âme, mais aussi physiquement palpable. Chaque instant devient une question de vie ou de mort, si bien qu’à la lecture, la mort est omniprésente, comme tapie dans l’ombre, attendant son heure, tandis que les protagonistes lui ont échappé de justesse, à quelques millimètres près.

    L’histoire, bien que simple, est construite avec une ingéniosité remarquable. Le temps dans le roman s’écoule de manière épuisée, étrange, et c’est précisément cet aspect qui lui confère une force narrative exceptionnelle, une dynamique singulière et envoûtante. Ceux qui ont aimé « Son odeur après la pluie » se sentiront irrésistiblement attirés par ce nouvel opus. Si vous n’avez pas peur de la « chute », si vous croyez encore à l’élan et au sursaut après l’effondrement, alors embarquez avec Cédric Sapin-Defour pour ce voyage difficile, profondément humain.

    À l’image du mythe d’Icare et Dédale, où la chute n’est pas une fin mais l’audace d’avoir tenté l’envol, ce roman souffle un vent d’espoir : celui de renaître, plus sage et plus fort.

    Disponible à la librarie Chien Sur La Lune

    Editions Stock 22€50