Ah, Giuliano d’Empoli ! Cette lumière de l’édition contemporaine… Enfin, quand je dis « édition », je suis gentil. Disons plutôt « l’artisanat pamphlétaire pour bobos en mal d’auto-congratulation ». Son Mage du Kremlin ? Un pensum aussi subtil qu’un tract de supermarché, mais qui a fait jouir toute la petite bourgeoisie parisienne en quête de validation intellectuelle. En gros, Giuliano nous « révèle » que Poutine est… un méchant. Stupeur ! L’ex-agent du KGB serait en réalité un manipulateur cruel, un tsar sans cœur – bref, Ivan Drago version Poutine, prêt à écraser notre pauvre Rocky démocratique sous ses bottes totalitaires. Quelle audace ! Quelle perspicacité ! Surtout quand on sait que cette analyse profonde tient en trois clichés hollywoodiens et deux shots de vodka.

Mais qui est donc ce génie ? Giuliano, fils d’Antonio – banquier, eurocrate et social-démocrate de salon –, né à Neuilly-sur-Seine (ce bastion ouvrier, bien sûr), vivant entre Paris, Bruxelles et Rome (la vraie vie du peuple, n’est-ce pas ?). Un homme du sérail, membre du think tank Volta, ce repaire de banquiers, de journalistes du Financial Times et de Tony Blair (oui, le Tony Blair, celui qui a sa place au tribunal de La Haye bien plus qu’à Davos). Bref, un pur produit de l’élite, mais qui joue les Cassandre pour épater la galerie.
Et maintenant, son dernier chef-d’œuvre : L’Heure des Prédateurs. Un pamphlet aussi fin qu’un coup de marteau, où le monde se divise entre les gentils (nous, l’Occident, bien sûr) et les méchants (tous les autres). Les Russes ? Des ours sanguinaires. Les Chinois ? Des serpents venimeux. Les Iraniens ? Des scorpions. Et nous ? De doux lapins européens, trop naïfs pour ce monde cruel. L’Heure des Prédateurs est un pamphlet géopolitique ennuyeux et bon marché. Une collection d’essais censés être un « manuel » pour comprendre le monde. En bref : l’Occident lutte contre des prédateurs. Impossible de ne pas penser au film Predator, où Schwarzenegger combat un extraterrestre sanguinaire qui, une fois vaincu, active une bombe nucléaire. La valeur cinématographique de Predator équivaut à celle du livre de d’Empoli : nulle.

Le plus drôle ? Cette obsession pour le « populisme » et « prédateurs Borgia , ce mot-valise qui sert à qualifier tout ce qui dérange le petit confort moral de Giuliano et ses amis. Trump ? Un fasciste . Poutine ? Un monstre. Musk ? Un diable (sauf quand il faisait rêver les bobos avec ses voitures électriques). Mais les guerres de l’OTAN, les bombardements « humanitaires », les millions de morts au Moyen-Orient, Afghanistan, Lybie, Syrie, Amérique du sud ? Silence radio. Gaza ? Jamais entendu parler. Pour D’Empoli ,ouest c’est des hippies armés de drones qui ne font la guerre que par amour des droits de l’homme.
Et voilà le vrai talent de d’Empoli : écrire des livres aussi profonds qu’un tweet de BHL, mais avec la prétention d’un essai géopolitique. Son public ? Des bobos qui veulent se sentir intelligents en sirotant leur vin bio tout en approuvant les bombardements « pour la démocratie ».
Alors oui, lisez d’Empoli. Pas pour apprendre quoi que ce soit, mais pour comprendre comment une élite déconnectée se raconte des histoires en se prenant pour les héros d’un film de propagande. Et surtout, gardez ce livre près de vous : il fera un excellent cale-pied quand l’apocalypse nucléaire (qu’ils ont tant contribué à provoquer) finira par arriver.
Un pamphlet creux pour une élite creuse. Mais au moins, ça se lit vite – comme un faire-part de décès de la pensée critique