
Par une nuit d’été dans le nord du Portugal, alors que les brumes montagneuses s’accrochaient aux versants comme des spectres, j’ai plongé dans les abysses de Clément Camar-Mercier. Son roman, « La Tentation Artificielle », est une lame glacée qui transperce l’époque avec la précision d’un scalpel. Ce n’est pas un livre, c’est un miroir brisé où se reflète notre propre naufrage.
Imaginez un monde où la lumière ne vient plus du soleil, mais des écrans. Où l’organique se dissout dans le silicium, où l’âme n’est plus qu’une suite de 0 et de 1. Camar-Mercier ne nous offre pas un simple récit d’anticipation, mais une « autopsie du présent ». Son héros, Jérémie, génie du code et architecte (in )volontaire d’un nouveau Léviathan numérique, incarne cette schizophrénie moderne : il est à la fois le prêtre et la victime d’un culte où la technologie a remplacé le sacré.

L’auteur nous entraîne dans une danse macabre entre les murs millénaires de l’abbaye de Solesmes, les couloirs aseptisés du ministère de l’Intérieur et les bureaux clinquants de Xavier Niel, où se joue une partie de l’avenir numérique. Jérémie, rongé par une maladie inconnue, cherche refuge dans le silence des moines. Mais peut-on échapper au bruit du monde quand on a contribué à le créer ? La rencontre entre l’ancien et le moderne n’est pas une rédemption, mais une « collision ».
Avec une ironie noire digne de Jaroslav Melnik ou d’Evanson, Camar-Mercier dissèque notre addiction aux univers numériques. Son écriture, fluide et tranchante, file comme un torrent de montagne dans les veines du lecteur. Il ne nous avertit pas d’un futur lointain, mais d’un « présent »déjà corrompu. Les algorithmes ne se contentent plus de gérer nos vies ; ils les définissent, digèrent nos désirs, formattent nos rêves. Nous ne sommes plus des êtres, mais des « données » nourrissant une intelligence artificielle insatiable.
Pourtant, malgré l’horreur, il y a du rire dans ce roman. Un rire grinçant, qui démasque l’absurdité des « créateurs d’alternatives réalités », ces nouveaux démiurges qui se prennent pour des dieux. Camar-Mercier manie la satire avec une élégance cruelle, rappelant que le véritable danger n’est pas la machine, mais l’homme qui l’a conçue – et qui s’y soumet avec une ferveur quasi religieuse.
Comme l’écrit l’auteur lui-même : « Dans un livre, tout doit être faux et vrai, sinon ce n’est pas juste. « La Tentation Artificielle » ne propose pas d’échappatoire. Seule une faille, un « glitch », une imperfection dans le système, pourrait nous sauver. Mais encore faudrait-il la voir avant qu’il ne soit trop tard.

Ce livre est un chant funèbre pour une humanité en voie de disparition, un requiem pour l’organique , spirituelle . Il nous force à regarder en face ce que nous sommes en train de devenir : des fantômes numériques, hantant un monde que nous avons nous-mêmes déserté.
Clément Camar-Mercier, romancier et dramaturge, signe ici un deuxième roman aussi haletant que documenté, prolongeant sa réflexion sur les addictions modernes entamée dans « Le Roman de Jeanne et Nathan ».
Sortie le 20 août 2025
Vous pourrez vous procurer « La Tentation Artificielle » à la librairie Chien Sur La Lune, lieu incontournable des amateurs de littérature audacieuse.
Lisez-le. Avant qu’il ne soit trop tard.

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