Une petite livre ? Bien au contraire. Une mosaïque d’histoires brèves, mais peuplées de figures immenses.
Quiconque aime sa terre natale, ces paysages qui ont façonné son âme et ces visages anonymes qui en racontent l’âme secrète, se doit d’ouvrir le livre de Luc Marissal. Plus qu’un simple recueil, c’est une arche fragile où repose un monde englouti – pas celui des grandes dates ou des héros officiels, mais celui des rires , des larmes séchées au coin de l’âtre, des silences qui en disent plus que les discours. Avec une patience d’archéologue, Marissal exhume une époque pourtant proche : quelques décennies à peine nous en séparent, et pourtant, quelle distance !
Ces récits, tissés de souvenirs villageois, sont des lambeaux d’une histoire locale trop modeste pour figurer dans les manuels. L’Histoire, avec sa majuscule, préfère les batailles et les traités ; elle ignore les « petits » lieux dont les noms se perdent, les « petites » gens dont les vies se confondent avec la terre qu’elles ont labourée. Mais Luc Marissal, lui, leur tend la plume. Dans son écriture, les simples gens de nos campagnes – tous ces oubliés – retrouvent un visage. Il capte leurs combats (pas seulement ceux de la guerre, mais ceux du quotidien), leurs blessures invisibles, leurs questions sans réponse, leurs gestes maladroits, empreints d’une humanité touchante.
Ce qui frappe, c’est la tendresse sans mièvrerie, la lucidité sans cynisme. Marissal n’idéalise pas : il restitue. Son style, à la fois lyrique et concret, donne à ces existences une densité littéraire sans jamais tomber dans le folklore ou le pastiche. C’est une écriture « populaire » au sens noble – ancrée dans le réel, mais irradiée d’une intelligence discrète. Aucune pose intellectuelle : juste la voix juste.
La librairie Chien sur la Lune en fait un de ses coups de cœur. Ce livre s’adresse à ceux qui sentent bien que le présent, avec ses écrans et ses rythmes frénétiques, a peut-être perdu quelque chose d’essentiel. Ces hommes et femmes d’autrefois, si loin dans nos représentations, nous tendent un miroir déformant mais cruellement véridique : leurs vies, rudes et lumineuses, nous rappellent que la réalité ne se mesure pas en « pixels » ou en « likes ». En les lisant, on entrevoit une forme d’authenticité qui, paradoxalement, manque à nos modernités désenchantées.
La librairie était comble pour cette belle rencontre estivale avec Jurica Pavičić, autour de son dernier ouvrage Mater Dolorosa. À ses côtés, Nadège Agullo, des éditions Agullo, a présenté le catalogue de la maison, sa ligne éditoriale et son choix d’auteurs.
Un moment d’échange intense, dans une atmosphère chaleureuse, avec un public passionné.
À venir : la vidéo de cette soirée sera bientôt disponible sur la chaîne YouTube de la librairie. En attendant, voici quelques photos de cet événement littéraire.
JuricaPavičić ou l’art de fissurer les cartes postales
Je me souviens de ce jour répugnant, gris et froid, quelque part en novembre, au début des années 1990. Les arbres de la ville, dénudés, sans feuilles. Les rues désertes, criblées de nids-de-poule et de flaques profondes. Le chemin vers la gare routière longeait un terrain de football improvisé. Cinquante réservistes en uniformes vert olive, l’air hagard, le visage sombre et renfrogné. Comme l’atmosphère de cette petite ville minière, traversée par une pluie froide et persistante. Ils attendaient, alignés, qu’un vieux bus délabré se gare – un Mercedes autrefois prestigieux, désormais une épave qui allait emmener ces hommes taciturnes vers la Croatie, en pleine guerre fratricide, où « frère s’était dressé contre frère », où des ruisseaux de sang se déversaient dans l’Adriatique, cette mer joyeuse et bleue de notre enfance.
Là où nous, gamins, passions nos vacances, nos classes vertes, tonnaient désormais les canons, les obusiers, la mort et la destruction. J’avais peur. J’étais écœuré. Je ne savais où me mettre. Pour des gens comme moi, il n’y avait pas de place dans cette société. Tout n’était que ténèbres, chaos, corruption, misère, mort et désespoir autour de moi. Dans la ville, on poignardait régulièrement quelqu’un. Les violences familiales atteignaient leur paroxysme. Les criminels volaient, terrorisaient, et les meurtres faisaient partie du quotidien. Tout cela se déroulait au début des années 90 dans cette « ex-Yougoslavie ».
J’étais lycéen à l’époque. Le pays sombrait dans le chaos. Une guerre civile faisait rage en Croatie, une autre couvait en Bosnie-Herzégovine. Aujourd’hui, avec le recul, tout cela semble être arrivé à quelqu’un d’autre. Pas à nous, les gens de l’ex-Yougoslavie. Non, à des gens disparus depuis longtemps, qui vivaient des temps obscurs et révolus.
Je raconte tout cela parce que les écrits de Jurica Pavičić me ramènent à ces années terrifiantes, bien que sa prose soit moderne et, qui plus est, « étrangère » – car elle vient d’un « pays étranger » qui fut pourtant celui de mon enfance, de mes étés, de mes rires, de mes plongeons dans cette mer bleue et infinie, de mes premiers amours, de ces soirées joyeuses autour des coquillages, où les vieux sirotaient leur bevanda et leur gemisch, tandis que nous, gamins, sirotions nos Cocta devant des hébergements bon marché, où l’on restait parfois un mois entier.
Chaque personnage de ses romans me renvoie à ce passé, à cette époque qui nous a tous façonnés, certains en bien, d’autres en mal. Son œuvre est une autopsie de nos espoirs perdus, de nos rêves, de cette transition entre les « Lendemains qui chantent » et la grise médiocrité d’aujourd’hui.
Pour le public occidental, cet aspect du roman échappe à la compréhension. Bien que les thèmes de Pavičić soient universels (un roman noir dans sa plus pure expression), il y a quelque chose de « sauvagement balkanique » que seuls les habitants des Balkans peuvent saisir. C’est pourquoi Mater Dolorosa est un roman d’une puissance rare, explorant une fois de plus avec maestria les abîmes humains et sociaux, nous plongeant dans un monde de contrastes profonds. Car l’Europe du Sud-Est ne connaît pas la « mesure », mais seulement les extrêmes de l’endurance et de la souffrance. Un lieu où chaque trait de caractère frôle ces limites : amour – haine, noir – blanc, courage – lâcheté, bonheur – mélancolie infinie, et ainsi de suite, sans fin. Croates, Bosniaques, Serbes sont l’incarnation de cette démesure, dans ce qu’elle a de meilleur et de pire.
Longtemps, j’ai cru que la Croatie, cette terre à l’orientation méditerranéenne et centre-européenne, jouissait de plus de liberté, de justice et d’acquis « civilisationnels », et qu’elle avait réussi, comme ses frères slovènes, à échapper au syndrome « balkanique ». Après tout, ils ont rejoint l’UE ! Pavičić, avec une honnêteté et une profondeur rares, affronte le spectre de la « Croatie moderne » et se mesure aux « démons » du passé, profondément ancrés dans le présent. Tel un scalpel, il tranche dans la chair de son pays, extirpe tumeurs, polypes et nœuds, tente de guérir. Et quand la guérison est impossible, il s’efforce de soulager, d’expliquer au patient la source du mal, de la souffrance.
Pavičić connaît sa contrée comme sa poche, les gens qui la peuplent, des laissés-pour-compte aux arrivistes, les pièges du capitalisme sauvage si enchanteur, les chemins de traverse du tourisme de masse. Il connaît hier et aujourd’hui, ne spécule pas sur demain.
La famille Runjić vit dans un appartement socialiste préhistorique, en périphérie de Split, cette magnifique ville antique sur la côte adriatique. La mère, la fille et le fils ; le père est mort depuis longtemps dans un accident de voiture. Ils vivent dans un petit appartement hérité de la grand-mère ou du grand-père. Dans l’ex-Yougoslavie, les logements étaient attribués (à vie) par l’État socialiste ou les entreprises publiques. Ces appartements pouvaient être rachetés à bas prix pendant la période de transition.
L’intrigue débute avec la découverte du corps sans vie d’une jeune femme dans les ruines d’une vieille usine socialiste. La victime appartient à une famille aisée de Split, et la pression sur la police pour retrouver le meurtrier est intense. Le jeune inspecteur Zvone, accompagné d’un collègue plus âgé (de l’époque de Tito et du Parti), sera chargé de démêler cette histoire humaine très complexe. La famille Runjić se retrouvera entraînée dans un tourbillon de mensonges, de tromperies et de crimes, malgré elle.
Car Katja et Ines, la mère et la sœur, sont des gens ordinaires qui, chaque jour, quittent le décor « paradisiaque méditerranéen » pour rejoindre le Split gris et socialiste, où le glamour n’existe que dans les magazines people, et où l’avenir radieux n’est plus qu’un rêve oublié. Pendant ce temps, un voisin s’approprie illégalement des buanderies pour les transformer en appartements Airbnb destinés aux touristes occidentaux. Le bruit et la poussière rendent la mère et la sœur folles. Avec elles, dans ce petit appartement, vit un spectre – le fils Mario, un jeune homme au chômage, incarnation du vide, de l’absurdité, une personnalité quasi inexistante dans ce roman, et pourtant l’étincelle qui précipitera toute l’histoire dans l’abîme.
Le suspense ne réside pas dans l’attente de découvrir l’identité du meurtrier – ce n’est pas crucial ici, comme dans les autres romans de Jurica Pavičić. Pour le lecteur, l’essentiel est de rester jusqu’au bout avec ces personnages de chair et de sang, si réalistes qu’on pourrait presque les toucher, les entendre, rêver avec eux, avoir peur d’eux et sombrer avec eux dans le gouffre.
Pavičić ne nous épargne rien. Il décrit la réalité brutale du quotidien, sans nostalgie facile pour le passé, mais aussi sans fard pour la « nouvelle Croatie moderne ». Ainsi, dans Mater Dolorosa, un homme ordinaire se retrouve pris dans un tourbillon de passions, de mensonges, d’injustices sociales et de décadence, mais aussi d’un amour infini, prêt aux pires et plus sombres compromis. Comme le disait Dante, l’enfer est pavé de bonnes intentions.
C’est là que réside le suspense insoutenable de ce roman – dans l’humanité profonde, ordinaire et crue de l’homme.
Les années de chaos et d’obscurité des années 90 sont loin. Les visiteurs de ces contrées sont généralement émerveillés par les paysages, les îles, la mer, les criques, les baies. Par une vie en apparence agréable et belle (il y a bien sûr une part de vérité là-dedans) et par des gens traditionnellement accueillants, doux et raffinés.
Qui pourrait imaginer que ces mêmes lieux ont longtemps senti la fumée, le sang et la boue ? Que sous le couvercle de la cocotte-minute, tout bout encore, qu’une simple « allumette » suffirait à enflammer tout le Sud-Est ? Que l’amour et les sacrifices impitoyables sont parfois une lourde croix et un mal, et que de la volonté de bien peut naître le mal, la sauvagerie et le mensonge, qui coûtent très, très cher !
Pavičić, avec une maîtrise magistrale, nous entraîne dans ce monde – nous qui le connaissons, mais aussi vous qui découvrez « notre belle » Croatie, jeune et pleine de contradictions, de contrastes et de dichotomies. Jurica pose des questions, donne un contexte, des pistes, une direction. À vous de trouver les réponses, le chemin, la sortie du labyrinthe.
Encore un chef-d’œuvre du polar par l’un des plus grands écrivains croates (n’oublions pas l’excellent Ante Tomić), qui nous emporte, comme »bura » le tempete maritime , dans une intrigue digne des plus grands romans du genre – car c’est bien un grand ROMAN !
La librairie Chien Sur La Lune a le plaisir de vous convier à une soirée dédiée à la littérature jeune adulte, le vendredi 20 juin 2025 à 19 heures, pour la présentation du roman « La Petite nageuse qui dansait sur un volcan « de Chloé Margueritte. Une œuvre où se tissent, à travers trois générations de femmes, les thèmes de l’émancipation, des identités plurielles et des combats intimes.
Au programme de cette rencontre :
Lecture d’extraits choisis par l’autrice, révélant la puissance évocatrice de sa prose.
Dialogue autour des enjeux contemporains abordés dans le roman : héritage familial, émotions , et quête de liberté.
Moment d’échange avec le public, dans l’esprit chaleureux et convivial qui caractérise notre librairie.
Un roman à la croisée des voix et des époques Julia en 1945, Anne en 2002, Noée en 2022 : trois destinées liées par un secret, trois parcours de résistance. À travers le journal intime de Julia, Noée plonge dans un passé enfoui, interrogeant les silences qui ont façonné sa famille. Inspiré du personnage de Camille dans En thérapie, ce récit poignant explore avec grâce et audace les fractures de la transmission et la force des révolutions intimes.
Informations pratiques : Date et heure : Vendredi 20 juin 2025 à 19h Lieu : Librairie Chien Sur La Lune Réservation conseillée par courriel (chiensurlalune@free.fr) ou par téléphone (09 55 21 38 37).
Une histoire où chaque génération, à sa manière, défie le poids des conventions. Une lecture qui, une fois commencée, ne vous quitte plus.
Nous vous attendons nombreux pour partager cette soirée autour des mots et des idées.
Après l’arrêt brutal des Falaises au bord de l’abîme, La Force du Galet entraîne Jean-Baptiste vers de nouveaux combats, cette fois sur le terrain mouvant des plages de son passé. Entre galets polis par le temps et vagues implacables, son retour en France des années 1950 devient une plongée dans les profondeurs de la justice, de la culpabilité et de la rédemption. Xavier Becquet nous révèle les secrets de cette suite haletante, où chaque vague apporte son lot de vérités enfouies. Un roman qui marque autant qu’il érode, à l’image de la mer façonnant la pierre. Revivez la soirée exclusive à la Librairie Chien Sur La Lune et plongez dans les coulisses de création de Force Du Galet!
Découvrez l’univers noir et engagé de Jurica Pavičić, voix majeure du roman noir croate. À travers des thrillers acérés comme L’Eau Rouge ou Mater Dolorosa, il explore les fractures de la société croate avec une lucidité mordante et un suspense implacable.
Une occasion unique d’échanger avec un auteur qui mêle intrigue policière et profondeur politique. En présence d’un représentant des éditions Agullo, qui présentera leur sélection d’ouvrages et leur travail d’éditeur.
Biographie
Jurica Pavičić (né en 1965 à Split, Croatie) est un écrivain, journaliste et scénariste croate, considéré comme l’une des figures majeures de la prose balkanique actuelle. Diplômé de littérature comparée et de philosophie, il se fait d’abord connaître par ses chroniques acerbes et ses nouvelles avant de s’imposer comme romancier.
Son œuvre, marquée par un réalisme social et une ironie mordante, explore les fractures de la société croate post-yougoslave, mêlant histoire collective et destins individuels.
Pavičić est également un scénariste reconnu, collaborant régulièrement avec le cinéma croate. Lauréat de plusieurs prix littéraires, son style incisif et son engagement en font un auteur incontournable, tant en Croatie qu’au-delà des Balkans.
Librairie Chien Sur La Lune Le 12 juin 2025 – 19h
Places limitées ! Inscription obligatoire par mail : chiensurlalune@free.fr ou par téléphone : 09 55 21 38 37
Comment ne pas adorer Sylvain Tesson ? Son dernier ouvrage, Les Pilliers de la mer (Albin Michel, 21,90 €), est un mélange enivrant de récit de voyage et d’épopée verticale, où se mêlent folie, volonté et soif d’aventure. Certes, Tesson dérange – la bien-pensance de la gauche moralisatrice et la médiocrité confortable des médiocrates s’en offusquent – mais qu’importe ! L’homme reste un conteur hors pair, capable de nous transporter vers ces terres oubliées, ces stacks, ces aiguilles marines dressées comme des géants pétrifiés par le vent et les embruns.
The rocky cliffs of Étretat by Monet.jpg
Qui est Sylvain Tesson ?
Écrivain-voyageur, alpiniste et provocateur littéraire, Tesson est l’héritier des grands aventuriers-mystiques, de Kessel à Monfreid. Né en 1972, il a sillonné l’Asie centrale à cheval (L’Axel du loup), survécu six mois seul dans une cabane sibérienne (Dans les forêts de Sibérie – Prix Médicis essai 2011), et escaladé les cathédrales de calcaire du monde (Sur les chemins noirs). Son style ? Un mélange de lyrisme cru et de pessimisme joyeux, servi par une érudition sans faille.
Ses œuvres incontournables :
Dans les forêts de Sibérie (2011) : Journal d’un ermite volontaire.
Berezina (2015) : Sur les traces de Napoléon en side-car… vodka à l’appui.
La Panthère des neiges (2019 – Prix Renaudot) : Quête du félin fantôme au Tibet.
Les Pilliers de la mer (2023) : Ode aux stacks, ces « totems des océans ».
Bande-son idéale : Lankum- Go dig my grave et Master Crowley , Irish Rover , New York Trader
Pour accompagner la lecture, rien de mieux que les harmonies sombres et envoûtantes de Lankum, ce groupe irlandais qui mêle folk traditionnel et drones hypnotiques. Leurs mélodies tourmentées, peuplées de murmures celtiques et de grondements telluriques, épousent parfaitement l’univers de Tesson : une quête solitaire face aux éléments, où la beauté le dispute à la mélancolie.
Comment conquérir l’inconquis ? Comment dompter ces cathédrales de granit qui défient l’érosion, ces sentinelles immobiles qui narguent la fureur de l’Atlantique ? Tesson, en alpiniste des mers, vous prend par la main et vous hisse au sommet de ces solitudes minérales. Avec lui, vous affronterez les « tueurs silencieux » – ces récifs traîtres, ces courants assassins – et vous goûterez à l’ivresse de l’engagement total.
Un livre pour ceux qui rêvent encore d’horizons lointains, pour les amoureux des stacks (ces colonnes spectaculaires, vestiges d’anciennes falaises déchiquetées par les vagues), pour les disciples de l’aventure pure.
Disponible chez Chien Sur La Lune – parce qu’un tel périple mérite bien une librairie qui porte la lune dans son nom.
Alors que l’affaire Matzneff a défrayé la chronique, un livre reste indispensable pour comprendre l’ampleur réelle du scandale : L’Arme la plus meurtrière de Francesca Gee. Notre Livre du Mois se distingue par son approche rigoureuse et sobre, loin du sensationnalisme, pour révéler les mécanismes d’un système qui a permis l’impunité pendant des décennies.
Francesca Gee ne se contente pas de documenter les crimes – elle analyse froidement leur banalisation par les milieux littéraires et médiatiques. Son enquête rappelle que Matzneff n’était pas un « artiste maudit » isolé, mais le produit d’un réseau de complaisance : éditeurs, critiques et institutions culturelles qui ont couvert, voire célébré, ses textes ouvertement criminels.
Le plus troublant ? Ces livres où Matzneff détaillait ses violences, aujourd’hui introuvables, ont pourtant été publiés sans obstacle et même récompensés (Renaudot essai 2013). Gee démontre comment le crime a été littérairement légitimé, avec la complicité passive d’un milieu qui se savait coupable.
Disponible à la librairie Chien Sur La Lune (19€), ce livre est une lecture nécessaire pour qui veut comprendre les silences complices de l’élite culturelle. Francesca Gee, autrice injustement marginalisée, mérite d’être découverte – car son travail fait bien plus qu’exposer un scandale : il questionne notre capacité collective à regarder la vérité en face.
Alexandre Jardin (Éditions Michel Lafon – 4,90 € – Disponible à la librairie Chien Sur La Lune)
Ah, 2025, année de grâce et de progrès social ! La République, dans sa magnanimité technocratique, a enfin trouvé la solution pour assainir l’air de ses villes : virer les pauvres. Oui, oui, vous avez bien compris. Si votre voiture a le malheur d’être née avant l’ère Macron, on vous priera gentiment de rester à la campagne, comme au Moyen Âge, où les gueux n’avaient pas le droit de franchir les remparts.
Quarante pour cent de la population vit en zone rurale ? Vingt millions de Français interdits de ville ? Des détails ! L’essentiel, c’est que les écolos-bobos des centres urbains puissent pédaler vers leur épicerie bio en respirant un air « purifié » – enfin, purifié de toute présence prolétaire.
#Gueux, le hashtag qui résume à merveille cette nouvelle aristocratie verte. Finie l’hypocrisie des « classes populaires », place à la franchise : vous êtes des sous-citoyens. Voiture trop vieille ? Portefeuille trop plat ? Bienvenue dans l’écologie punitive, version XXIe siècle !
Mais patience, tout n’est pas perdu. Et si ces damnés des ZFE devenaient malgré eux les figures d’une rébellion humaniste ? Une révolte apolitique, une écologie qui ne crache pas sur les précaires, un retour au bon sens… Quelle douce folie !
Alors, chers bannis des métropoles, redressez-vous. Vous n’êtes pas des exclus, vous êtes les cobayes d’une nouvelle ère : celle où le progressisme rime avec apartheid social, le tout sous couvert de vertu climatique.
Bienvenue en 2025. La solidarité, mais pas pour tous.
(À lire absolument, en vente pour 4,90 € chez Michel Lafon – et disponible dès maintenant à la librairie Chien Sur La Lune