Catégorie : Conseil

  • Dans le sillage de Tesson : escalader l’impossible

    Comment ne pas adorer Sylvain Tesson ? Son dernier ouvrage, Les Pilliers de la mer (Albin Michel, 21,90 €), est un mélange enivrant de récit de voyage et d’épopée verticale, où se mêlent folie, volonté et soif d’aventure. Certes, Tesson dérange – la bien-pensance de la gauche moralisatrice et la médiocrité confortable des médiocrates s’en offusquent – mais qu’importe ! L’homme reste un conteur hors pair, capable de nous transporter vers ces terres oubliées, ces stacks, ces aiguilles marines dressées comme des géants pétrifiés par le vent et les embruns.

    The rocky cliffs of Étretat by Monet.jpg

    Qui est Sylvain Tesson ?

    Écrivain-voyageur, alpiniste et provocateur littéraire, Tesson est l’héritier des grands aventuriers-mystiques, de Kessel à Monfreid. Né en 1972, il a sillonné l’Asie centrale à cheval (L’Axel du loup), survécu six mois seul dans une cabane sibérienne (Dans les forêts de Sibérie – Prix Médicis essai 2011), et escaladé les cathédrales de calcaire du monde (Sur les chemins noirs). Son style ? Un mélange de lyrisme cru et de pessimisme joyeux, servi par une érudition sans faille.

    Ses œuvres incontournables :

    Dans les forêts de Sibérie (2011) : Journal d’un ermite volontaire.

    Berezina (2015) : Sur les traces de Napoléon en side-car… vodka à l’appui.

    La Panthère des neiges (2019 – Prix Renaudot) : Quête du félin fantôme au Tibet.

    Les Pilliers de la mer (2023) : Ode aux stacks, ces « totems des océans ».

    Bande-son idéale : Lankum- Go dig my grave et Master Crowley , Irish Rover , New York Trader

    Pour accompagner la lecture, rien de mieux que les harmonies sombres et envoûtantes de Lankum, ce groupe irlandais qui mêle folk traditionnel et drones hypnotiques. Leurs mélodies tourmentées, peuplées de murmures celtiques et de grondements telluriques, épousent parfaitement l’univers de Tesson : une quête solitaire face aux éléments, où la beauté le dispute à la mélancolie.

    Comment conquérir l’inconquis ? Comment dompter ces cathédrales de granit qui défient l’érosion, ces sentinelles immobiles qui narguent la fureur de l’Atlantique ? Tesson, en alpiniste des mers, vous prend par la main et vous hisse au sommet de ces solitudes minérales. Avec lui, vous affronterez les « tueurs silencieux » – ces récifs traîtres, ces courants assassins – et vous goûterez à l’ivresse de l’engagement total.

    Un livre pour ceux qui rêvent encore d’horizons lointains, pour les amoureux des stacks (ces colonnes spectaculaires, vestiges d’anciennes falaises déchiquetées par les vagues), pour les disciples de l’aventure pure.

    Disponible chez Chien Sur La Lune – parce qu’un tel périple mérite bien une librairie qui porte la lune dans son nom.

  • Livre du Mois : L’Arme la plus meurtrière de Francesca Gee – Une enquête essentielle sur le système Matzneff

    Alors que l’affaire Matzneff a défrayé la chronique, un livre reste indispensable pour comprendre l’ampleur réelle du scandale : L’Arme la plus meurtrière de Francesca Gee. Notre Livre du Mois se distingue par son approche rigoureuse et sobre, loin du sensationnalisme, pour révéler les mécanismes d’un système qui a permis l’impunité pendant des décennies.

    Francesca Gee ne se contente pas de documenter les crimes – elle analyse froidement leur banalisation par les milieux littéraires et médiatiques. Son enquête rappelle que Matzneff n’était pas un « artiste maudit » isolé, mais le produit d’un réseau de complaisance : éditeurs, critiques et institutions culturelles qui ont couvert, voire célébré, ses textes ouvertement criminels.

    Le plus troublant ? Ces livres où Matzneff détaillait ses violences, aujourd’hui introuvables, ont pourtant été publiés sans obstacle et même récompensés (Renaudot essai 2013). Gee démontre comment le crime a été littérairement légitimé, avec la complicité passive d’un milieu qui se savait coupable.

    Disponible à la librairie Chien Sur La Lune (19€), ce livre est une lecture nécessaire pour qui veut comprendre les silences complices de l’élite culturelle. Francesca Gee, autrice injustement marginalisée, mérite d’être découverte – car son travail fait bien plus qu’exposer un scandale : il questionne notre capacité collective à regarder la vérité en face.

    À lire absolument.

  • LES #GUEUX – OU COMMENT CRÉER DES PARIAS ÉCOLOGIQUES AVEC LE SOURIRE

    Alexandre Jardin
    (Éditions Michel Lafon – 4,90 € – Disponible à la librairie Chien Sur La Lune)

    Ah, 2025, année de grâce et de progrès social ! La République, dans sa magnanimité technocratique, a enfin trouvé la solution pour assainir l’air de ses villes : virer les pauvres. Oui, oui, vous avez bien compris. Si votre voiture a le malheur d’être née avant l’ère Macron, on vous priera gentiment de rester à la campagne, comme au Moyen Âge, où les gueux n’avaient pas le droit de franchir les remparts.

    Quarante pour cent de la population vit en zone rurale ? Vingt millions de Français interdits de ville ? Des détails ! L’essentiel, c’est que les écolos-bobos des centres urbains puissent pédaler vers leur épicerie bio en respirant un air « purifié » – enfin, purifié de toute présence prolétaire.

    #Gueux, le hashtag qui résume à merveille cette nouvelle aristocratie verte. Finie l’hypocrisie des « classes populaires », place à la franchise : vous êtes des sous-citoyens. Voiture trop vieille ? Portefeuille trop plat ? Bienvenue dans l’écologie punitive, version XXIe siècle !

    Mais patience, tout n’est pas perdu. Et si ces damnés des ZFE devenaient malgré eux les figures d’une rébellion humaniste ? Une révolte apolitique, une écologie qui ne crache pas sur les précaires, un retour au bon sens… Quelle douce folie !

    Alors, chers bannis des métropoles, redressez-vous. Vous n’êtes pas des exclus, vous êtes les cobayes d’une nouvelle ère : celle où le progressisme rime avec apartheid social, le tout sous couvert de vertu climatique.

    Bienvenue en 2025. La solidarité, mais pas pour tous.

    (À lire absolument, en vente pour 4,90 € chez Michel Lafon – et disponible dès maintenant à la librairie Chien Sur La Lune

  • Soirée engagée avec Matthieu Bellahsen : abolire la contention psychiatrique

    Une salle électrique, un débat vif : le psychiatre Matthieu Bellahsen a démonté les logiques de la contention mécanique, cette violence médicale souvent normalisée. Témoignages et échanges ont souligné l’enjeu politique derrière ces pratiques : qui définit la « normale » et le droit d’enfermer ? Bellahsen a insisté sur les alternatives (unités ouvertes, médiation par les pairs), rappelant que « la contention est un choix, pas une fatalité ». La discussion a élargi la réflexion vers nos propres enfermements sociaux. Une soirée qui mêle révolte et espoir.

  • Abolir la contention : quand la psychiatrie révèle nos enfermements

    « On juge une civilisation à sa façon de traiter ses fous. La nôtre les attache et se croit libre. »

    Psychiatre engagé et figure critique de l’institution hospitalière, Matthieu Bellahsen pratique depuis vingt ans une psychiatrie « désaliéniste », héritière du mouvement anti-contention des années 1970. Son dernier ouvrage, Abolir la contention (Libertalia, 2023), démonte implacablement les mécanismes d’une violence médicale banalisée. À travers les témoignages glaçants de patients ligotés, isolés, humiliés, et l’analyse d’alternatives cliniques éprouvées (écoute, chambres ouvertes, collectifs de soin), il révèle l’imposture d’un système qui préfère entraver plutôt que soigner. Un plaidoyer qui dépasse largement le cadre asilaire.

    On parle de « contention mécanique » comme d’une évidence. Un mot propre, presque technique, pour désigner l’acte d’attacher un être humain à son lit. « C’est pour son bien », murmure-t-on dans les couloirs des hôpitaux. Pourtant, des services comme celui de Moisselles prouvent depuis dix ans qu’on peut soigner sans contraindre : effectifs stables, formation continue, porte toujours ouverte. Preuve que l’alternative existe – mais dérange.

    Aujourd’hui, des systèmes de contention « ergonomiques » (labellisés concept Pinel®, ironie cruelle) promettent que le patient « peut ne pas se rendre compte qu’il est attaché ». Bellahsen y voit la dernière métamorphose d’un vieux mensonge : la violence qui se fait passer pour le progrès.

    Pendant la crise sanitaire, nous avons tous goûté à une version édulcorée de l’isolement thérapeutique :

    Confinement = contention collective

    Obligations sanitaires = camisole administrative

    Exclusion des récalcitrants = triage des indésirables

    Bellahsen ne se contente pas de dénoncer. Il documente des solutions : unités sans contention, médiation par les pairs, packing consent, autodétermination … La preuve qu’une autre psychiatrie est possible – et avec elle, peut-être, une autre société.

    Ce qui commence avec les fous finit par concerner tous les indociles. Agamben nous a bien prévenue …

    À lire d’urgence : Abolir la contention, Ed Libertalia ,

    10 euros

    Disponible à la librairie Chien Sur La Lune

  • « La Ligne » d’Aharon Appelfeld

    « La Ligne » d’Aharon Appelfeld

    Cela fait déjà une dizaine d’années que je lis Aharon Appelfeld. De livre en livre, je découvre l’incroyable talent de cet écrivain, malheureusement disparu. La vie d’Aharon pourrait aisément être comparée à un roman. Né le 16 février 1932 à Jadova, près de Czernowitz (alors Cernăuți, dans le Royaume de Roumanie), il est mort le 4 janvier 2018 à Petah Tikva, en Israël. Issu d’une famille juive aisée, il était profondément attaché à sa mère, dont il parle souvent dans ses écrits, tandis que ses relations avec son père étaient plus distantes. Son enfance idyllique a été anéantie le jour où les collaborateurs roumains ont fusillé sa mère. À partir de ce moment, Appelfeld est devenu un enfant en fuite : d’abord avec son père, puis, pendant une grande partie de la guerre, seul, caché chez des paysans, des femmes de « petite vertu » ou des partisans soviétiques. Dans le chaos de l’après-guerre, où des millions d’orphelins erraient à travers l’Europe centrale et orientale dévastée, Appelfeld a continué son périple jusqu’en Israël, où il a dû s’adapter à une société « peu patiente » envers les « survivants » et apprendre une langue qui lui était étrangère : l’hébreu. Mais cela est une autre histoire…

    Dans La Ligne, Appelfeld explore avec une retenue poignante et une profondeur intime le sentiment de vengeance. Erwin Siegelbaum, libéré depuis quarante ans d’un camp de concentration, passe ses jours à arpenter les trains de l’Autriche d’après-guerre. L’alcool, les liaisons éphémères et les cauchemars hantent son existence. Ce qui le maintien à flot, c’est sa quête : collecter les menorahs, les coupes de kiddouch et les livres sacrés ayant survécu à leurs propriétaires disparus. Et surtout, l’espoir de retrouver l’officier nazi qui a assassiné ses parents… pour avoir enfin la force de le tuer.

    Ne cherchez pas ici un récit indécent, larmoyant, du type Sage-femme d’Auschwitz. Appelfeld ne moralise pas, ne cherche pas à émouvoir artificiellement. La vengeance chez lui n’est pas un acte héroïque, mais une obsession vide, une pulsion qui ronge plus qu’elle ne libère. Comme ces rails qui s’étirent à l’infini dans les paysages autrichiens, la quête d’Erwin est une boucle sans fin. L’alcool, les femmes, les nuits sans sommeil ne sont que des échappatoires, des pansements sur une plaie qui ne cicatrise pas.

    Les souvenirs, chez Appelfeld, ne sont jamais des flashbacks grandioses, mais des éclats fugitifs, des reflets qui apparaissent et disparaissent sans crier gare. Son style, minimaliste et pourtant lyrique, restitue cette sensation d’irréalité, comme si le passé ne pouvait être saisi que par bribes. Il n’y a pas de catharsis, pas de résolution. Ces rails droits comme un destin, ces courbes imposées – comment en descendrait-on ? Le voyage continue, non par espoir d’arriver quelque part, mais parce que s’arrêter reviendrait à regarder en face l’absence de terminus.

    La Ligne est une œuvre qui refuse les catégories faciles. Ce n’est ni un roman historique, ni un thriller vengeur, ni un récit de survie édulcoré. C’est une plongée dans l’esprit d’un homme hanté, où chaque paysage traversé devient le miroir de son âme déchirée.

    Disponible à la librairie Chien Sur La Lune .

  • Livre du Mois « L’Heure des Prédateurs – ou comment Giuliano d’Empoli nous pond un navet géopolitique entre deux cocktails à Bruxelles et NY

    Ah, Giuliano d’Empoli ! Cette lumière de l’édition contemporaine… Enfin, quand je dis « édition », je suis gentil. Disons plutôt « l’artisanat pamphlétaire pour bobos en mal d’auto-congratulation ». Son Mage du Kremlin ? Un pensum aussi subtil qu’un tract de supermarché, mais qui a fait jouir toute la petite bourgeoisie parisienne en quête de validation intellectuelle. En gros, Giuliano nous « révèle » que Poutine est… un méchant. Stupeur ! L’ex-agent du KGB serait en réalité un manipulateur cruel, un tsar sans cœur – bref, Ivan Drago version Poutine, prêt à écraser notre pauvre Rocky démocratique sous ses bottes totalitaires. Quelle audace ! Quelle perspicacité ! Surtout quand on sait que cette analyse profonde tient en trois clichés hollywoodiens et deux shots de vodka.

    Mais qui est donc ce génie ? Giuliano, fils d’Antonio – banquier, eurocrate et social-démocrate de salon –, né à Neuilly-sur-Seine (ce bastion ouvrier, bien sûr), vivant entre Paris, Bruxelles et Rome (la vraie vie du peuple, n’est-ce pas ?). Un homme du sérail, membre du think tank Volta, ce repaire de banquiers, de journalistes du Financial Times et de Tony Blair (oui, le Tony Blair, celui qui a sa place au tribunal de La Haye bien plus qu’à Davos). Bref, un pur produit de l’élite, mais qui joue les Cassandre pour épater la galerie.

    Et maintenant, son dernier chef-d’œuvre : L’Heure des Prédateurs. Un pamphlet aussi fin qu’un coup de marteau, où le monde se divise entre les gentils (nous, l’Occident, bien sûr) et les méchants (tous les autres). Les Russes ? Des ours sanguinaires. Les Chinois ? Des serpents venimeux. Les Iraniens ? Des scorpions. Et nous ? De doux lapins européens, trop naïfs pour ce monde cruel. L’Heure des Prédateurs est un pamphlet géopolitique ennuyeux et bon marché. Une collection d’essais censés être un « manuel » pour comprendre le monde. En bref : l’Occident lutte contre des prédateurs. Impossible de ne pas penser au film Predator, où Schwarzenegger combat un extraterrestre sanguinaire qui, une fois vaincu, active une bombe nucléaire. La valeur cinématographique de Predator équivaut à celle du livre de d’Empoli : nulle.

    Le plus drôle ? Cette obsession pour le « populisme » et « prédateurs Borgia , ce mot-valise qui sert à qualifier tout ce qui dérange le petit confort moral de Giuliano et ses amis. Trump ? Un fasciste . Poutine ? Un monstre. Musk ? Un diable (sauf quand il faisait rêver les bobos avec ses voitures électriques). Mais les guerres de l’OTAN, les bombardements « humanitaires », les millions de morts au Moyen-Orient, Afghanistan, Lybie, Syrie, Amérique du sud ? Silence radio. Gaza ? Jamais entendu parler. Pour D’Empoli ,ouest c’est des hippies armés de drones qui ne font la guerre que par amour des droits de l’homme.

    Et voilà le vrai talent de d’Empoli : écrire des livres aussi profonds qu’un tweet de BHL, mais avec la prétention d’un essai géopolitique. Son public ? Des bobos qui veulent se sentir intelligents en sirotant leur vin bio tout en approuvant les bombardements « pour la démocratie ».

    Alors oui, lisez d’Empoli. Pas pour apprendre quoi que ce soit, mais pour comprendre comment une élite déconnectée se raconte des histoires en se prenant pour les héros d’un film de propagande. Et surtout, gardez ce livre près de vous : il fera un excellent cale-pied quand l’apocalypse nucléaire (qu’ils ont tant contribué à provoquer) finira par arriver.

    Un pamphlet creux pour une élite creuse. Mais au moins, ça se lit vite – comme un faire-part de décès de la pensée critique

  • Richard Powers et l’océan : une symphonie littéraire et écologique

    Richard Powers « Un Jeu Sans Fin » Actes Sud »

    Richard Powers, écrivain américain de renom, nous a déjà comblés avec des romans magistralement écrits. Il est un virtuose de la narration, capable de transformer des sujets complexes en récits fluides et captivants, tout en mêlant émotion, érudition et une profonde connaissance de la nature. Dans ses œuvres, la science devient poésie, et la nature, un personnage à part entière. Powers est un ardent défenseur de l’environnement, utilisant sa plume pour éveiller les consciences sur les enjeux écologiques. Son dernier roman, * »Le Jeu sans Fin »* (traduction française de * »Playground »*), nous transporte sur l’île de Makatea en Polynésie française, un lieu qui devient le théâtre de destins croisés, où l’océan joue un rôle central.

    Dans ce roman, Powers nous invite à explorer un « terrain de jeu » métaphorique, où les vies d’un génie informatique, d’un océanographe et d’un plongeur passionné se mêlent à celle de l’océan lui-même. Ce dernier, avec ses abysses mystérieux, ses montagnes sous-marines et ses écosystèmes complexes, est bien plus qu’un simple décor : c’est le cœur battant de notre planète. Powers rappelle avec force que notre monde devrait s’appeler « océan » plutôt que « terre », car toute vie dépend de cette étendue bleue et de son équilibre fragile. À travers une prose cinématographique et des cliffhangers haletants, il dépeint la beauté et la vulnérabilité de cet écosystème, tout en dénonçant les violences infligées à la vie aquatique.

    Le « jeu » évoqué dans le titre est à la fois une métaphore de la vie et une critique de notre attitude irresponsable envers la planète. Nous voyons le monde comme un terrain de jeu, un espace créé pour notre divertissement, mais nous oublions trop souvent de le préserver pour les générations futures. Powers nous met en garde : l’océan, une fois libéré de notre présence, se régénérera en un clin d’œil. Mais serons-nous encore là pour en témoigner ? Ce roman est une ode à l’eau, à la vie et à la créativité infinie de l’océan, une force qui dépasse nos jeux éphémères et nos jouets technologiques. Une lecture essentielle pour les amoureux de la nature, de l’océan et des questions environnementales.

    Vous pouvez trouver ce livre à la librairie « Chien Sur La Lune ».

  • « L’Ange Pasolini » – Une plongée dans l’âme tourmentée d’un génie

    En cette année 2025, nous commémorons le 50e anniversaire de la mort de Pier Paolo Pasolini, une figure majeure du XXe siècle, dont l’œuvre et la vie continuent de fasciner et de provoquer. À cette occasion, Arnaud Delalande, Denis Gombert et Éric Liberge nous offrent « L’Ange Pasolini », une bande dessinée magistrale qui explore la vie et l’héritage de cet artiste hors du commun. Ce roman graphique, à la fois sombre et lumineux, est une véritable immersion dans l’univers complexe et contradictoire de Pasolini.

    Le récit commence là où tout s’achève : sur une plage d’Ostie, en novembre 1975, où Pasolini est brutalement assassiné. Cette mort violente, presque symbolique, sert de point de départ à une rétrospective de sa vie. L’ange qui apparaît alors devient le guide de cette introspection, interrogeant Pasolini sur les moments clés de son existence. Ce dialogue entre l’homme et l’ange donne une dimension presque mystique à l’œuvre, tout en restant ancré dans la réalité crue de la vie de l’artiste.

    Pasolini était un homme de paradoxes : marxiste et homosexuel dans une Italie conservatrice, poète et cinéaste, aimé et haï à la fois. La bande dessinée explore ces contradictions avec une finesse remarquable. On y découvre un homme tiraillé entre son engagement politique, sa sexualité, son amour pour la culture populaire et son rejet des conventions sociales. Les auteurs réussissent à capturer l’essence de Pasolini, sans jamais tomber dans le piège de la simplification.

    Le travail graphique d’Éric Liberge est tout simplement époustouflant. Son style, à la fois précis et expressif, donne vie aux émotions les plus intimes de Pasolini. Les pleines pages, souvent muettes, sont de véritables tableaux qui invitent à la contemplation. Les choix chromatiques, oscillant entre le noir et blanc et de rares éclats de couleur, reflètent parfaitement les contrastes de la vie de l’artiste. Chaque case est une invitation à plonger plus profondément dans l’âme tourmentée de Pasolini.

    À travers cette bande dessinée, les auteurs ne se contentent pas de raconter la vie de Pasolini ; ils nous invitent à réfléchir à son héritage. Qu’est-ce que signifie être un artiste engagé aujourd’hui ? Comment concilier art et politique, liberté et contraintes sociales ? Ces questions, posées par Pasolini de son vivant, résonnent encore aujourd’hui avec une force intacte.

    « L’Ange Pasolini » transcende la simple biographie en images. C’est une œuvre profonde, grave, qui interroge autant qu’elle émeut. À travers le prisme de la vie et de la mort de Pasolini, les auteurs nous confrontent à des questions essentielles : la place de l’artiste dans une société hostile, le poids des contradictions intimes, et le prix de la liberté créatrice.

    BD disponible à la librairie Chien Sur La Lune

    L’évangile selon Saint Matthieu disponible à la librairie en Bleu Ray

    Né le 5 mars 1922 à Bologne, Pier Paolo Pasolini est l’une des figures les plus marquantes de la culture italienne du XXe siècle. Poète, écrivain, cinéaste et intellectuel engagé, il a marqué son époque par son œuvre protéiforme et ses prises de position souvent controversées.

    Après une jeunesse marquée par la Seconde Guerre mondiale et la mort de son frère Guido dans la résistance, Pasolini s’installe à Rome dans les années 1950. Il y découvre les quartiers populaires, qui deviendront une source d’inspiration majeure pour ses romans, comme « Ragazzi di vita » (1955).

    Dans les années 1960, il se tourne vers le cinéma, réalisant des films qui mêlent réalisme et poésie, comme « Accattone » (1961) et « L’Évangile selon saint Matthieu » (1964). Ses œuvres, souvent critiques envers la bourgeoisie et la société de consommation, lui valent à la fois l’admiration et la réprobation.

    Homosexuel assumé et marxiste convaincu, Pasolini a toujours été une figure marginale, en décalage avec les normes de son époque. Son dernier film, « Salò ou les 120 Journées de Sodome » (1975), reste l’une de ses œuvres les plus choquantes et les plus discutées.

    Le 2 novembre 1975, Pasolini est assassiné sur une plage d’Ostie, dans des circonstances jamais totalement élucidées. Sa mort violente a contribué à en faire une icône, dont l’œuvre continue d’influencer et de provoquer des débats passionnés.

  • Un père ordinaire, une bestialité extraordinaire 

    Un père ordinaire : Sur les traces d’Alfred Douroux, de la LVF et de la Waffen SS

    Hélas, je n’ai plus aucun grand-père en vie, mes parents ne sont plus de ce monde non plus. Personne dans ma famille n’a collaboré avec l’occupant, ni avec les collaborateurs locaux. Bien sûr, en tant que peuple slave, nous étions sur une liste courte pour l’esclavage ou l’extermination physique, ce qui rendait impossible toute sympathie envers le Troisième Reich. Mon grand-père a participé aux grandes manifestations à Belgrade contre le gouvernement qui avait signé un pacte avec Hitler. Quelques jours plus tard, ce gouvernement fut renversé par un coup d’État, et le peuple serbe scanda à travers toute la Serbie : « Plutôt la tombe que l’esclavage ! » Le 7 avril, les avions de la Luftwaffe rasent Belgrade. Pour la deuxième fois en moins de cinquante ans, le peuple serbe est attaqué par la puissante Wehrmacht, et l’armée royale est vaincue en une dizaine de jours. À Belgrade, les premiers camions à chambres à gaz sont testés sur les Juifs locaux, les communistes serbes et les malheureux Roms. En moins de quelques mois, les communistes et les patriotes serbes déclenchent un soulèvement contre l’occupation allemande et mènent une guerre de partisans courageuse contre les Allemands et les collaborateurs. Plusieurs membres de ma famille prirent part dans le soulèvement et ont combattu dans les rangs des partisans. Pour la deuxième fois en moins de cinquante ans, le pays est libéré par le combat héroïque du peuple serbe et des autres peuples yougoslaves. Les Allemands et les traîtres sont chassés du pays.  C’est pourquoi je suis toujours glace par le dégrée de collaboration et fanatisme de fascistes vichistes de France .

    Le livre dont je vais vous parler traite des Français qui ont combattu sous l’uniforme SS en Biélorussie, et qui ont commis des atrocités inhumaines contre les Russes, les Biélorusses, les Ukrainiens et les Juifs. Ces hommes étaient les derniers fanatiques à défendre Hitler à Berlin, jusqu’au dernier moment. Pour moi, cette haine profonde, ce racisme et cette volonté de domination des fascistes français restent incompréhensibles, même aujourd’hui. 

    Ce livre est un voyage intime dans le passé de Philippe Douroux, qui a toujours su que son père était un fasciste, nazi  ayant combattu pour les « valeurs européennes », contre les « barbares de l’Est » et les « judéo-bolcheviks » qui détruisaient le tissu social et notre « glorieuse civilisation blanche » . Dans cet ouvrage, Philippe D. révèle les horreurs de la guerre à l’Est, en Biélorussie, où des paysans et des Juifs innocents tombent sous la botte de l’unité SS  Charlemagne. Et pas seulement sous la botte, mais aussi sous le couteau, la balle et la brutalité. Car, malheureusement, ces « combattants pour l’Europe et la fraternité franco-allemande » n’étaient pas seulement des anticommunistes, mais aussi des meurtriers sanguinaires, des sadiques, des vampires assoiffés du sang des Biélorusses et du peuple soviétique (principalement des Russes, des Biélorusses et des Juifs soviétiques). Beaucoup d’entre eux ne se contentaient pas de tuer les « Untermenschen » slaves et les « judéo-bolcheviks », mais ont ensuite participé à des expéditions punitives contre la Résistance en France. Après la guerre, ils se sont révélés utiles en Algérie et au Vietnam. En Biélorussie, ils ont appris de leurs frères SS la technique de la guerre totale contre les plus faibles : femmes, enfants, bébés. Ils ont appris à violer, égorger et abattre de manière efficace, car leur courage était bien sûr à son apogée face aux vieillards, aux enfants et aux femmes. Face à l’Armée rouge, leur puissance était bien moins visible. À tel point que les Allemands les ont relégués à l’arrière, où ces « patriotes » se sont révélés être d’excellents tueurs d’enfants et de grands-mères… 

    Ce livre est une collection de témoignages et de documents historiques qui empêchent l’oubli des crimes de ces bêtes. Après la guerre, la plupart de ces « héros » sont restés impunis. Quelques-uns ont passé quelques mois en prison, deux ou trois ont été fusillés. Tous les autres ont trouvé une vie paisible après la guerre, continuant à glorifier « leur combat contre le bolchevisme » et à expliquer comment le complot communiste mondial avait inventé les 26 millions de morts en Union soviétique et les camps de concentration. Sobibor, Treblinka, Belzec, Auschwitz ne sont, selon leurs témoignages, que des « détails de l’histoire ». La négation a atteint un tel point aujourd’hui, grâce à Giscard et aux nouveaux « philosophes » des années 80, que le martyre de l’URSS est désormais mis sur le même plan que la souffrance des Allemands pendant la guerre. Que les criminels et les monstres sont présentés comme des « combattants » contre le communisme. Ce livre explique à plusieurs reprises comment cela a pu arriver. Il mérite une lecture sérieuse et des recherches supplémentaires sur les crimes des SS « français ». Philippe D. n’a fait qu’effleurer la surface de l’horreur commise au nom de la « Grande Nouvelle Europe » par les Français, les Italiens, les Belges, les Néerlandais, les Finlandais, les Norvégiens, les Roumains, les Hongrois et les Ukrainiens, en alliance avec le « fraternel » Reich millénaire.  Ces « patriotes » français, formés dans l’idéologie nazie et ayant appris les techniques de répression brutale en Biélorussie, ont ensuite réutilisé ces méthodes lors des guerres coloniales, notamment en Indochine et en Algérie. Leur expérience dans la guerre totale contre les civils, acquise sous l’uniforme SS, a été mise à profit pour écraser les mouvements indépendantistes.

    En Indochine, lors de la guerre contre le Việt Minh (1946-1954), les forces françaises ont employé des tactiques de terreur inspirées de celles utilisées en Europe de l’Est. Des villages entiers étaient rasés, des civils torturés ou exécutés sommairement, et des techniques de contre-insurrection brutales étaient appliquées pour tenter de briser la résistance vietnamienne. Les exactions commises, comme les massacres de civils, rappellent tristement les crimes perpétrés en Biélorussie.

    En Algérie, pendant la guerre d’indépendance (1954-1962), ces méthodes ont été poussées à leur paroxysme. Les militaires français, dont certains avaient servi sous Vichy ou dans les rangs de la collaboration, ont systématiquement recouru à la torture, aux exécutions extrajudiciaires et aux déplacements forcés de populations. Des villages étaient bombardés, des suspects torturés pour obtenir des informations, et des civils massacrés dans des opérations de « pacification ». Le massacre de Melouza en 1957, où des centaines de civils algériens ont été tués, ou encore la bataille d’Alger, marquée par une répression impitoyable, témoignent de cette continuité dans les pratiques de violence extrême.

    Ces guerres coloniales ont ainsi servi de terrain d’application pour des techniques de répression héritées de la Seconde Guerre mondiale, montrant comment les crimes commis au nom de l’idéologie nazie ont laissé une empreinte durable dans les pratiques militaires et policières françaises. Cette sombre continuité historique souligne l’importance de ne pas oublier les origines de ces méthodes et leurs conséquences dévastatrices.

    L’un de ces « patriotes » forçait les villageois à creuser des fosses où ils étaient entassés comme des sardines et abattus d’une balle dans la nuque. Lorsque cette bête trouvait un bébé à moitié vivant, il l’abattait d’une balle dans la tête, éliminant ainsi un « judéo-bolchevik » potentiel. Le livre est rempli de ces témoignages effroyables. Des dizaines de milliers de villages en Biélorussie, en Ukraine et en Russie ont été rayés de la carte, leurs habitants brûlés vifs dans les églises ou abattus… Plus d’une fois, j’ai dû poser le livre pour reprendre mon souffle. Cet ouvrage reste un avertissement, un rappel de ce que signifient le fanatisme et la croyance aveugle en la justesse d’une « cause ». Mais il montre aussi à quel point le monde occidental a la mémoire courte, ayant très vite oublié la tragédie de la Seconde Guerre mondiale. Pire encore, il a transformé les victimes en coupables et les coupables en victimes. Ce livre est une pilule contre l’oubli, amère mais nécessaire. 

    Disponible à la librairie Chien Sur La Lune .